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Page:Revue des Deux Mondes - 1919 - tome 54.djvu/552

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politique de plus en plus du côté des conseils et des sympathies russes, et son gouvernement, — c’était celui des radicaux avec Malinov à leur tête, — nous proposait la conclusion d’une convention militaire. C’était chose à examiner mûrement : le ministre se fiait à ma connaissance des affaires balkaniques pour étudier la proposition et donner mon avis sur l’opportunité de pareilles négociations. Il me recommanda de tâcher de me mettre en bons termes avec Ferdinand, qui avait la réputation d’être très ombrageux et capricieux dans ses rapports avec les représentants étrangers, surtout ceux de la Russie. Mon prédécesseur avait eu à ce point de vue de notoires succès. En 1909, tout au début de la mission de M. Sementovsky, le roi Ferdinand avait, en venant à Saint-Pétersbourg, essayé de se débarrasser du nouveau ministre de Russie et de faire nommer à Sofia un personnage qui eût appartenu au high-life pétersbourgeois. Mais le ministère, dans les bureaux duquel Sementovsky avait passé toute sa carrière, n’ayant pas voulu l’abandonner, Ferdinand se hâta de se réconcilier avec un représentant qu’il sentit si bien protégé, et s’efforça au contraire de l’attirer et d’en faire, si possible, l’instrument de ses instances auprès de la Russie et de ses desseins politiques. C’est au beau milieu de ces faveurs, toujours très précaires, que le ministre de Russie tomba malade et mourut, donnant occasion au Roi de déployer tout un spectacle de deuil et de cérémonies funèbres, qui devaient servir de preuve à ses sentiments russophiles.

Tout en me gardant bien de recourir à un moyen aussi extrême de recueillir des preuves flatteuses de la bienveillance royale, je partageais toutefois entièrement la manière de voir du ministre sur la nécessité d’établir, — inter vivos, — de bonnes relations personnelles avec le roi Ferdinand. On pouvait nourrir à son égard un certain sentiment de méfiance, mais il importait de ne pas laisser voir ce sentiment au public de là-bas, si féru d’intrigues, si passionnément occupé de commérages politiques. J’avais été témoin, au commencement de ma carrière, des déboires et des mécomptes qu’avait valus à la politique russe l’attitude que nous avions prise vis-à-vis du premier prince de Bulgarie, Alexandre Battenberg. Nous avions, — et cela au beau milieu de la réaction qui prévalait en Russie dans les années 1880, — épousé passionnément les