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Page:Revue des Deux Mondes - 1919 - tome 54.djvu/558

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En politique, les Bulgares regardaient Ferdinand comme un outil admirable pour leurs aspirations nationales : son ambition personnelle, son intelligence, sa grande astuce, sa naissance et sa parenté, tout devait servir et servait effectivement la cause bulgare. D’autre part, le Prince savait que, dans les questions de politique extérieure, il pourrait toujours s’appuyer sur le patriotisme, l’opiniâtreté et la ruse bulgares, et qu’en cas de guerre ses soldats et ses officiers combattraient avec un courage farouche et souvent cruel, et-déploieraient les qualités de ténacité, d’endurance et d’une discipline de fer volontairement acceptée, qui feraient de l’armée bulgare l’une des meilleures armées du monde.

Depuis la chute et l’assassinat de Stamboulov et depuis la réconciliation avec la Russie, le Prince pouvait respirer plus librement et se sentir enfin maitre du pays. Mais des dangers et des préoccupations existaient toujours. La lutte des partis et des aspirations nationales passionnées, exploitées à leur tour par les partis ; une incompatibilité flagrante entre un Prince décadent d’origine austro-française et tout un peuple de « paysans du Danube ; » la Macédoine toujours en ébullition et jetant sur le pavé de Sofia ses scories de conspirateurs, spécialistes en matière d’attentats, — tout cela tenait les craintes en éveil et aiguisait l’instinct d’intrigue du Prince. Ferdinand par nature appartenait à la catégorie de ceux qui, pour arriver à leurs fins, font jouer bien plus volontiers les vices que les vertus de leur entourage. Son règne ne fit que développer cette tendance. Il aimait à susciter les rivalités irréconciliables, il excellait dans l’art de suspendre les foudres de la justice au-dessus de la tête des hommes politiques qui s’étaient compromis dans des malversations et de les tenir par la crainte du châtiment, ou par la nécessité de recourir à sa protection ou à sa grâce. En 1913, il y eut, un moment, en Bulgarie, un cabinet composé presque entièrement de gens condamnés et graciés, ou en jugement pour prévarications et abus de pouvoir.

L’élément militaire, toujours dangereux dans ces pays de pronunciamientos, était l’objet d’une sollicitude spéciale de la part du Prince. Ferdinand mit un soin tout particulier et dépensa son propre argent à construire et à doter de tout l’outillage nécessaire une vaste école d’officiers à Sofia. Les jeunes gens y étaient complètement isolés du reste du monde ; ils étaient confiés à des