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L’aumônier n’avait qu’à prendre congé, et l’histoire ne dit pas si, en rapportant très respectueusement à von Bissing la note « qui ne devait pas être laissée, » il osa lui rapporter cette leçon. Il y avait évidemment, — cette démarche même le prouvait, — quelque difficulté, pour certains prêtres allemands, à comprendre les susceptibilités belges. Et le cardinal songeait chaque jour à ces prisonniers belges qui là-bas, au fond de l’Allemagne, n’avaient pas d’aumôniers belges, à ces prêtres belges enfermés à la prison de Bruxelles, pour lesquels von Bissingse réputait fort bienveillant en leur accordant, avec le droit longtemps refusé de dire la messe, la faculté de prendre contact avec un confesseur allemand. Au nom de ces consciences tyrannisées, le cardinal protestait, dans une lettre du 14 mai 1915 :


La confession catholique porte sur les choses les plus intimes de l’âme ; et l’aveu, déjà humiliant par lui-même, qu’elle exige, les autorités militaires veulent qu’il soit livré à un homme qui, bon gré mal gré, rappelle au pénitent le pouvoir oppresseur, l’auteur responsable de sa captivité.

Est-ce humain, est-ce chrétien ?

Qu’a donc fait à l’Allemagne cette pauvre Belgique, pour être ainsi torturée ?


La réponse de von Bissing fut un lourd accès de colère : d’une plume qui grinçait, il déclara que de telles expressions étaient « blessantes » et qu’il se verrait forcé de ne plus avoir de rapports écrits avec son Eminence, si elle manquait ainsi d’égards. — On ne m’avait jamais accusé de manquer d’égards dans les discussions, lui écrivit paisiblement le cardinal.

Mgr Millendorf, en avril, avait mal réussi comme ambassadeur : lorsque, en septembre 1915, l’Appel à la prière, adressé parle cardinal aux prêtres et aux fidèles, fit l’effet à von Bissing d’un document séditieux, le gouverneur général se mit en quête d’un autre truchement. Il chargea le baron von der Lancken, chef du département politique, ancien conseiller d’ambassade à Paris, de libeller une série d’observations, et d’aller les porter aux oreilles de Mgr Mercier, sans les lui mettre sous les yeux. Le 8 octobre, von der Lancken lut au cardinal quatre ou cinq pages grand format, les remit dans sa poche, et attendit que l’accusé parlât.

Vous me traitez d’excitateur politique, lui dit en substance