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faisait entrer, derrière lui, les échos du vaste monde. Il les laissait faire leur œuvre : en retraite près de Louvain, dans une abbaye bénédictine, l’auteur de ce magnifique Sursum corda s’isolait et priait.

Il se dérangea de ses prières, le 15 mars, pour s’offrir comme prisonnier. Von Bissing, ayant fait arrêter l’imprimeur de la lettre : A notre retour de Rome, et quatre typographes, reçut le message suivant :


L’impression de la lettre pastorale est mon œuvre, avant d’être celle de l’imprimeur et de ses ouvriers.

Si l’on objectait à Votre Excellence, ou si votre Excellence s’objectait à elle-même, qu’Elle n’a pas qualité pour juger et frapper un évêque et un prince de l’Église agissant dans l’exercice de son ministère pastoral, je prendrais la liberté de lui faire remarquer que, dans le cas présent, ce n’est ni l’évêque ni le membre du Sacré Collège qu’Elle aurait à frapper, mais un particulier qui, spontanément, se substituerait à d’honnêtes et fidèles pères de famille que la loyauté et l’affection lui commandent de couvrir de sa responsabilité.


Un conflit public entre la justice allemande et le cardinal Mercier n’avait rien de tentant pour von Bissing : depuis l’affaire de miss Cavell, les seuls procès qu’aimât l’Allemagne étaient ceux qui semaient la terreur aux alentours sans faire du bruit au loin. Le cardinal eût été un trop redoutable inculpé : l’Allemagne, généralement dédaigneuse des puissances morales, le craignait, lui, à l’égal d’une grande force matérielle. Elle jugea plus prudent de se venger sur l’imprimeur, qu’elle déporta. Mais la lettre subsistait, circulait, mettait de la lumière dans les regards et de l’élan dans les cœurs : von Bissing se fit publiciste, pour y répondre, et toute la presse censurée de Belgique eut ordre de reproduire le réquisitoire de M. le gouverneur.

Dans la pastorale, le cardinal avait affirmé :


La conviction, naturelle et surnaturelle, de notre victoire finale, est, plus profondément que jamais, ancrée en mon âme. Si d’ailleurs elle avait pu être ébranlée, les assurances que m’ont fait partager plusieurs observateurs désintéressés et attentifs de la situation générale, appartenant notamment aux deux Amériques, l’eussent solidement raffermie. Nous l’emporterons, n’en doutez pas, mais nous ne sommes pas au bout de nos souffrances.