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« Espoirs non fondés, » ricanait von Bissing ; « déclarations imprécises émanant de personnalités qui sont absolument étrangères aux événements et qu’il est impossible de considérer comme compétentes. »

Le cardinal, pour maintenir dans ses ouailles la confiance en Dieu, leur avait dit :


Imaginez une nation belligérante, sûre de ses corps d’armée, de ses munitions, de son commandement, en passe de remporter un triomphe : que Dieu laisse se propager dans ses rangs les germes d’une épidémie, et voilà ruinées, sur l’heure, les prévisions les plus optimistes !


« Argumentation arbitraire, » grondait von Bissing. Mais il taisait, sans doute, sa plus grande contrariété, la publication, dans la lettre pastorale, de ces mots qu’avait inscrits Benoît XV au bas de l’un de ses portraits : « Nous sommes toujours avec le cardinal Mercier, et nous prenons part à ses douleurs et à ses angoisses, puisque sa cause est aussi notre cause. » Von Bissing, ici, faisait contre mauvaise fortune bon cœur : « Je n’empêcherai jamais Votre Eminence, déclarait-il, de transmettre aux fidèles les communications que le Saint-Père désirerait leur faire connaître par son intermédiaire. »

Il semblait bien décidé à ne laisser au cardinal aucune autre liberté. Il renonçait à conférer avec lui sur les écarts de prédication imputés à ses prêtres : « Votre Eminence elle-même, clamait-il, a donné l’exemple de l’insubordination : il s’en suit que son influence est maintenant sans poids. » Quant à discuter sur le sens de la pastorale, il s’y refusait, et signifiait qu’à l’avenir il ne tolérerait plus de la part du prélat aucune propagande politique.

La publicité de ce factum informa tous les Belges que von Bissing ne voulait plus causer avec leur primat. Des caricaturistes furent mobilisés : un d’eux représentait le cardinal sous les traits d’un perroquet, et von Bissing debout, à côté de lui, le doigt levé, lui imposant silence. Le, cardinal laissa passer cinq semaines, et le 26 avril 1916 il écrivit au gouverneur :


Ma réponse au réquisitoire est rédigée ; je la tiens à la disposition de Votre Excellence, vivement désireux de la lui envoyer.

Mais spontanément, je ne sais pas me décider à lui faire cet envoi. Je me demande, en effet, dans quel but utile je le ferais.