Page:Revue des Deux Mondes - 1919 - tome 54.djvu/597

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Serait-ce pour convaincre Votre Excellence ?

Mais Elle m’a prévenu que toutes mes explications seraient non avenues. Elle a jugé que toute discussion serait stérile.

Serait-ce pour éclairer le public belge ?

Je ne le pourrais pas, je crains, sans exposer mon imprimeur à un an d’emprisonnement.

Serait-ce pour ma justification personnelle, que je devrais envoyer ma réponse à Votre Excellence ?

Mais ma conscience ne me reproche pas d’avoir en rien transgressé les limites que me tracent mes prérogatives épiscopales. Au surplus, dans l’accomplissement de ma charge de pasteur, c’est de la juridiction du Saint-Siège que je relève, et ma dernière pastorale a suffisamment dit quel accueil a daigné me faire le Souverain Pontife.

Néanmoins je voudrais, Excellence, pouvoir vous envoyer mon mémoire, parce qu’il y a une fraction du public à l’estime et à l’affection de laquelle je tiens et avec laquelle vous seul pouvez me mettre en communication : je veux parler de mes frères, les fidèles, le clergé, les évêques catholiques d’Allemagne et d’Autriche-Hongrie.

Ah ! si je pouvais espérer que, en loyal soldat et en juge équitable, vous consentiriez à leur transmettre ma pastorale, votre réquisitoire et mon mémoire justificatif, avec quelle joie je vous ferais parvenir, par retour du courrier, cette dernière pièce du dossier !

Non seulement je me féliciterais de savoir mon honneur protégé ; mais surtout je verrais, dans cette communication à des frères que je crois de bonne foi mais dans l’erreur, un moyen lointain de préparer, pour l’ère où la paix sera proclamée, un rapprochement, dans la charité catholique, d’âmes qui souffrent de se sentir si violemment éloignées les unes des autres.


D’une part, une philippique qui brandissait des menaces aussitôt émoussées, et qui dénotait, chez l’occupant, autant de faiblesse que de brutalité ; d’autre part, sous la plume cardinalice, un appel très digne, très serein, à cette notion de fraternité qui domine l’Eglise universelle, et à la puissance de l’intégrale vérité sur des consciences chrétiennes, fussent-elles allemandes. Mais aux suggestions émouvantes du cardinal Mercier, von Bissing répondit non : l’Allemagne officielle ne voulait pas que l’Allemagne catholique fût éclairée.


V. — DÉBATS AVEC VON BISSING SUR LES DROITS DU POUVOIR OCCUPANT.

L’incident fut clos ; et von Bissing, malgré l’intention qu’il avait manifestée de ne plus entretenir le cardinal des délits