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Page:Revue des Deux Mondes - 1919 - tome 54.djvu/790

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sont amenés prisonniers et immédiatement massacrés ; à midi, on annonce enfin que la demeure du Roi est au pouvoir du peuple. Quelle joie ! Quel tumulte ! Quels cris de triomphe ! On en a l’écho par ces ligues du journal de Chaumette : « À midi je cours à la maison commune ; on m’y reçoit au milieu des embrassements ; on me place sur le champ au bureau… Le sang… les quatre-vingt-seize Suisses… les filous et mille autres… J’aurais besoin de verser une larme. Un de mes amis, la tête bandée, la figure déchirée, me tend les bras : « Je vis, « me dit-il, et nous avons gagné la victoire ! » Je me précipite sur son sein, mon cœur se dégonfle, mes yeux se mouillent. Oh ! comme je suis soulagé !… » Cinq lignes hachées, on pourrait dire haletantes, plus instructives qu’un procès-verbal.

Et l’assemblée des sectionnaires, ivre de son succès, félicitée par le Corps législatif qui a peur, acclamée par tout ce que Paris compte d’exaltés révolutionnaires, s’érige en gouvernement et organise, sans délai, la Terreur. Tout de suite, elle comprend qu’il lui faut profiter de sa victoire, et c’est alors que, sans désemparer, au cours d’une séance qui, de vingt-quatre heures, ne sera pas suspendue, elle exige la détention du Roi, désigne pour geôle le Temple et assume la garde des captifs, en stipulant que le Trésor public en fera les frais ; elle rend ses arrêts et dicte ses conditions avec une énergie si farouche que, en moins de deux jours, la voici souveraine, « en dehors et même au-dessus de l’Assemblée nationale. »

Pourtant, rien n’est plus trouble que son origine : aucun Procès-verbal n’a été dressé de l’élection de ses membres ; on n’en pourra même jamais établir des listes fixes et authentiques ; même lorsqu’elle sera constituée et que, non sans hésitation, elle aura usurpé le titre de Conseil général, sa composition demeurera incertaine ; elle se modifiera fréquemment ; sur ses bancs, siégeront des « passants » « à peine entrevus » et que remplaceront sans tarder d’autres éphémères. On aura ainsi l’occasion de voir surgir, dans le récit de la captivité du Dauphin, des personnages présentés et agissant comme membres de la Commune, jouant l’emploi avec autorité et dont les noms ne figurent en aucun répertoire officiel ; figures d’inconnus mêlés à ce drame sans que rien justifie leur rôle et dont l’ingérence inexpliquée suscitera des hypothèses sans solution