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Page:Revue des Deux Mondes - 1919 - tome 54.djvu/789

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tenait, dans la grande salle du premier étage, le Conseil général, constitutionnellement élu cinq mois auparavant et composé de cent quarante-quatre membres.

Les nouveaux venus entraient à la maison commune manifestement très perplexes sur la façon dont ils allaient procéder pour « sauver la chose publique ; » parmi les premiers arrivés se trouvaient un menuisier, Boisseau ; un ancien commis aux barrières, Huguenin ; un ouvrier bijoutier, Rossignol, envoyés par la section des Quinze-Vingts ; un mercier, Bonhomet ; un marchand de vins, David, et un homme de loi, Lulier, représentant la section Mauconseil ; un contrôleur au Mont-de-Piété, Concedieu, faisant partie de la délégation de l’Arsenal ; un homme de lettres, Robert, et le cordonnier Simon, dépêchés par la turbulente section du Théâtre-Français. Peu à peu ce petit groupe se renforça : à trois heures du matin, vingt des sections de Paris y étaient représentées ; ce n’était pas encore la majorité, et les commissaires, ne se sentant pas en force, relégués, sans rien faire ni décider, dans une pièce voisine de celle où continuait à siéger le Conseil général, jugèrent urgent d’expédier à leurs mandataires des émissaires pour réclamer l’adjonction de trois délégués supplémentaires par section, ce qui devait porter leur nombre total à 288, double de celui des membres du Conseil légal. En même temps, ils convoquaient en hâte la force armée parisienne, et bientôt 1 600 hommes, répondant à l’appel, se massaient sur la place de Grève et entouraient la maison commune.

À l’aube, les sectionnaires sont au nombre de 82 : ils représentent vingt-sept sections ; le moment est venu d’agir : ils pénètrent dans la salle du Conseil général, l’expulsent et prennent sa place. À sept heures du matin, la substitution est opérée et c’est à cette même heure que la populace armée se porte en foule vers les Tuileries ; à neuf heures et demie, le premier coup de canon est tiré. Tant que dure la bataille, les sectionnaires ne quittent pas l’Hôtel de Ville ; ils s’y constituent, sous la présidence d’Huguenin, en Assemblée des représentants de la majorité des sections, s’activant à procurer des munitions aux assaillants du Château, donnant l’ordre de le démolir, s’il le faut, de ne faire grâce à qui que ce soit, appelant à l’aide les patriotes de la banlieue. Dans la cour de l’Hôtel de Ville, quatre-vingt-seize soldats Suisses, défenseurs des Tuileries,