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Page:Revue des Deux Mondes - 1919 - tome 54.djvu/797

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Cet intermède lyrique marqua la fin des relations de Morellet avec le Conseil général. Lassé de tant de démarches vaines et de si musicales attentes, il renonça au certificat de civisme et revint à son faubourg, bien décidé à n’en sortir que le moins possible. Sa déconvenue nous vaut le précieux tableau dont on ne donne ici qu’une réduction et qui révèle l’aspect, trop rarement décrit, des séances du Conseil, en même temps que la physionomie de certains de ses membres. Les trois figures de Viallard, Paris et Bernard forment précisément une synthèse parfaite de l’ensemble des municipaux ; quoique la composition de la Commune eût été plusieurs fois modifiée au cours de la Révolution, son niveau intellectuel et moral ne change guère : elle sera toujours riche en artisans, marchands ou petits patrons que la mauvaise chance a aigris ; en littérateurs sans génie, en professeurs faméliques, en médecins sans clients, en prêtres dévoyés ; en « hommes de loi, » titre vague qui impose aux petites gens et sous lequel se dissimule souvent plus d’astucieuse âpreté que de respect du droit. La vulgarité du plus grand nombre, l’infatuation de quelques-uns, le cynisme des plus effrontés, — ou des plus poltrons, — l’aversion de ces gens médiocres pour la supériorité de naissance, d’intelligence ou d’éducation, tels sont d’importants éléments du drame qui se déroule quotidiennement au Temple et dont ces municipaux sont les imprésarios et les protagonistes. Tenir en leur possession et molester à loisir le Roi issu de tant de rois et la belle Reine de Trianon, quelle voluptueuse et perverse aubaine pour des hommes naturellement haineux de toute beauté et de toute noblesse !


Le choix des chefs de chœur dont la Commune accepta presque amoureusement la direction justifierait, s’il en était besoin, ce jugement qui paraîtra peut-être trop général et trop sévère : elle eut deux idoles : Chaumette et Hébert, et, quoique la téméraire manie de la réhabilitation ait cruellement sévi depuis un demi-siècle, ce sont là deux noms que nul encore n’a tenté et ne tentera jamais sérieusement d’imposer à l’admiration de la postérité. Fils d’un cordonnier de Nevers, écolier indiscipliné, renvoyé de son collège, embarqué comme mousse à treize ans, plus tard élève en chirurgie, étudiant en physique, maître d’études, secrétaire d’un médecin anglais, enfin vague