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le mois de janvier tout entier. Ce voyage eut reposé mon imagination plus fatiguée, je crois, par mon cœur que par mon travail !

En pensant à moi, il ne faut jam(is oublier que je vis comme l’oiseau sur la branche, que je n’ai d’argent que par mon travail, que l’obligation où je me mets, comme à Lagny, comme aujourd’hui pour les Paysans, est une nécessité.

Donnant tout ce que j’ai toujours à ce gouffre de dettes, je suis toujours pauvre comme un riche malaisé. Donc, en ce moment, jusqu’au 15 ou 16 mars, il faut travailler aux Paysans. Vois quel est mon malheur. En finissant la première partie en décembre, je me vois appelé à Dresde ; je ne pense plus qu’à mon voyage, et tu ne sauras jamais ce qu’est un homme de travail, de poésie et d’imagination, si tu ne me vois pas me crevant de labeurs, et achevant en huit jours, pour Chl (endowski), Béatrix, avec l’idée de partir du 1er au 10 janvier. Bon. Arrive une lettre de toi, qui me dit qu’il ne faut pas venir à Dresde, mais que tu pars pour Ffrancfort). Comment travailler ? Quinze jours après, tu restes à Dresde, au moins le mois de février. Chaque fois tes raisons sont péremptoires. Pour ne pas (me laisser) venir à D(resde), tu objectes le monde, Anna, etc. Pour ton séjour, il s’agit de l’oncle et de ta santé. Voilà tout janvier absorbé par trois lettres contradictoires, qui me tracassent le cœur en sens contraire. Je reste comme toi, pauvre chérie, avec mes paquets faits et, hélas ! mon argent prêt.

C’est un hasard que je n’aie pas fait faire deux flacons que je voulais apporter à mon cher gentil, friand nez ! Tous mes succès ont l’inconvénient de réveiller mes créanciers, ils s’imaginent qu’on me couvre d’or, et ils viennent ! Mes pauvres deux mille francs, si religieusement mis de côté pour voyager, sont allés dans les poches de ces gens-là ! Au commencement de février, je reçois une lettre où tu me dis : « Je pars, ne m’écris plus que quand tu sauras où m’écrire par un mot. Je t’écrirai en voyage. » Dix jours se passent. Je te crois à F(rancfort) et je reçois une lettre où tu me dis que tu as été malade, que tu restes, à D (resde) bien malheureuse, et qu’il faut que je t’écrive là. J’écris, il y a de cela onze jours aujourd’hui et tu ne calcules pas que, quand tu m’as écrit de t’écrire, il y avait dix jours que j’attendais une lettre (dans quelles