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Page:Revue des Deux Mondes - 1919 - tome 54.djvu/863

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ne tolérait plus aucune parlementation avec les émeutiers et on n’hésitait pas à faire entrer en jeu l’artillerie et les armes nouvelles.

Cette fois ce fut du délire dans toutes les classes des vieux dirigeants prussiens, et le parti conservateur crut le cauchemar fini. Brockdorff-Rantzau menait la danse avec ses notes de plus en plus cassantes. Ludendorff déclarait que « l’Allemagne devrait sans doute tenter encore la fortune des armes. » Aux conférences de Posen, qui avaient lieu à ce moment, pour établir un modus vivendi dans les questions polonaises, l’État-Major de Hindenbourg imposait son veto aux dispositions arrêtées d’accord entre les ambassadeurs de l’Entente et les délégués civils allemands, et il obtenait gain de cause. Les Hakatistes reprenaient la direction en Haute-Silésie et dans les autres provinces polonaises non encore libérées. Les Allemands exigeaient la soumission des Posnaniens, la rentrée en fonction des fonctionnaires prussiens chassés par eux, la dissolution de toutes les forces locales. Brockdorff-Rantzau déclarait, lorsque le Maréchal Foch parlait de la Pologne allemande, ne pas savoir ce que le Maréchal voulait dire ; que lui, Brockdorff, ne connaissait que des populations révoltées contre leurs maîtres légitimes et que bientôt le renforcement des troupes prussiennes permettrait de mettre Posen à la raison. Heureusement les Polonais veillaient.

Dans l’ordre judiciaire il en allait de même. Le jugement des assassins du capitaine Fryatt, celui des fusillades du camp de Langensalza, n’étaient que des parodies de justice, où l’acquittement était proclamé à peu près sans débats. Même mentalité dans l’ordre administratif. Un citoyen de Bromberg ayant été assailli et brutalisé par des agents de chemin de fer, simplement parce qu’il parlait polonais sur le quai de la gare, le Président de la Direction des chemins de fer de Bromberg, tout en reconnaissant les faits, les excusait ainsi : « Dans les temps où nous vivons, il serait vivement désirable que les Polonais cessassent de s’exprimer dans leur langue en public, dans l’intérêt de leur sécurité. » Et le Gouvernement, qui prétendait avoir aboli les lois d’exception, souscrivait à cette énormité.

En même temps que leurs qualités d’ordre et d’autorité dont l’emploi était indéniablement fécond, les hommes de