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Page:Revue des Deux Mondes - 1919 - tome 54.djvu/872

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des drapeaux français de 1870, sous l’œil bienveillant des gardiens de l’arsenal et des autorités ; puis par des agressions contre les membres des missions alliées, et spécialement de la mission française. Après quelques altercations peu graves, elles se terminèrent par l’assassinat du maréchal-des-logis Manheim, dont le gouvernement laissa les auteurs impunis en négligeant de les rechercher et à l’occasion duquel les représentants du ministère laissèrent les députés de droite affirmer à la Chambre, contre la plus évidente vérité, que la faute était aux victimes.

Les décisions du Parlement étaient bafouées. Le 5 août, à la suite du vote instituant l’ancien drapeau de 1848 aux couleurs noir, rouge et or comme couleurs du nouveau Reich, un tel étendard fut arboré au sommet du palais du Reichstag. Il n’y resta que peu d’heures, et ne reparut jamais. Les jours suivants, en manière de protestation, on vit circuler dans les rues toutes les patrouilles et les détachements avec une profusion de drapeaux noir-blanc-rouge de l’ancien Empire. Trois mois après le vote de la Constitution, on n’a pas encore vu un seul drapeau du nouveau régime arboré par les troupes ou aux bâtiments publics. Les cocardes des militaires, qui doivent être aux couleurs nationales, sont encore à la fin d’octobre les anciennes cocardes, même au poste placé devant l’hôtel du ministre Noske. Pour éviter d’avoir à imposer l’exécution de la loi, au début d’octobre, on aurait, d’après la presse, décidé d’adopter une cocarde composée simplement d’un aigle. Cette concession n’a pas décidé davantage le militaire récalcitrant à abandonner le vieil emblème impérial. Détails, mais dont la multiplication dénote l’état des esprits et l’impuissance ou la complicité des gouvernants.

Car là toujours est la difficulté, de déterminer la part de l’impuissance et celle de la complicité. Pendant six mois, par exemple, toutes facilités ont été données aux organisateurs de l’occupation des provinces baltiques par les Allemands agissant ouvertement comme tels ou sous un masque russe. On leur a fourni armes, munitions, vivres en abondance. On a résisté aux sommations de l’Entente ou on les a éludées et maintenant que tout est préparé, terminé, organisé, le jour où Versailles brandit un épouvantail, on se déclare impuissant à faire rentrer des gens qui n’écoutent pas et qu’il est impossible de réduire par la famine, puisqu’ils ont de tout à profusion. Les