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Page:Revue des Deux Mondes - 1919 - tome 54.djvu/879

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Et l’appel des plus blanches mains
Fait toujours signe que demain,
Vous soyez là, sur le chemin...

C’est que vous, vous saviez qu’il faut
Mourir d’aimer, lorsque trop haut
Pur et clair brûle le flambeau,

Et n’en demandiez pas merci ;
Car mieux vaut trépasser ainsi,
Que de vivre en morne souci.

O cher Tristan, si doux, si fol,
Où dormez-vous ? et sous quel sol ?
Afin que s’y pose le vol

De ces chercheuses de bonheur
Dont vous fûtes le serviteur
Jusqu’au tombeau, d’un loyal cœur..


LE TORRENT


Un cœur libre ressemble au torrent des montagnes
Impétueux et pur, qui bondit en riant ;
Loin du sommet natal tout le ciel l’accompagne,
Il mire tour à tour la nuit et l’orient ;
Toujours alimenté par les neiges du rêve
Sous l’écume des jours à jamais transparent,
Limpide, irrésistible, et sans halte et sans trêve,
Un libre cœur ressemble au sauvage torrent.
Que le passant y boive ou que l’azur y sombre,
Toujours renouvelé par sa claire candeur,
Par lui-même lavé des aubes ou des ombres,
Il emporte sans fin sa force et sa fraîcheur.
Toujours précipité d’inaccessibles sources
Seul, quelquefois l’hiver maintient sa belle course,
Mais lorsque un printemps neuf libère tout effort,
Sa puissance innocente en ravage les fêtes,
Et tout gonflé d’orage et de grandes tempêtes,
Il ne se calmera qu’en ta paix, vaste mort !