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Près des touffes éclatantes,
Une passante que tente
Le massif aux tons de feu,
Lui tend ses mains réchauffées
Et sans doute est une fée
Qu’enlève le brouillard bleu…

Viens ! De mirage en mirages,
Nous atteindrons ces rivages.
Dont nul n’a quitté les bords :
Toutes les choses humaines
Sont des apparences vaines,
Qui nous guident chez les morts.


L’ERMITE

D’UN TABLEAU DE VÉRONE


Usant ses genoux joints sur des rochers étranges,
L’Ermite, au front courbé par les soucis pieux,
Avait, loin des humains et loin des mauvais anges,
Cherché dans les déserts la présence des dieux.

À jamais séparé des choses périssables,
Il lançait vers l’azur sa foi pleine d’appels :
Mais ses longs cris, trouant l’immensité des sables,
D’un vol découragé redescendaient du ciel.

En réponse, venaient tentations, mirages…
— Il avait vu les pieds de Balkis de Saba ! —
Et, le roulant aux plis de foudroyants orages,
Le tourmentaient les feux du rut et du sabbat.

Mais son cœur était pur, et son âme était pleine
D’une mélancolique et tendre austérité ;
Et la tentation demeurait toujours vaine
De l’orgueilleux bonheur et de sa volupté.

C’est alors qu’Elle vint, toute faible et très lasse
D’avoir longtemps marché sur un âpre chemin ;
Elle prit tout de suite une petite place
Et puis parla, tenant son pied nu dans sa main.