Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1919 - tome 54.djvu/891

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Rembrandt « qui était comme du goudron » lors de son transfert à l’Hôtel de Ville, en 1715, et qui signala les mutilations qu’il avait subies, il est hors de doute qu’il n’a pu se tromper sur l’authenticité de cette esquisse magistrale. Le catalogue de la vente Boendermaker la décrit ainsi : « Un très beau tableau représentant la sortie des gardes civiques sous le capitaine Franz Banning Kok, seigneur de Purmerland et Ilpendam, lieutenant Willem van Ruitenberg van Vlardingen... (etc.), composition de plus de vingt-cinq personnages ; ce tableau est surprenant par la puissance de son exécution exceptionnelle et PAR LE GRAND ÉCLAT DU SOLEIL. »

Il fut vendu, en 1768, pour 2 580 florins, — prix très considérable, à un peintre-marchand français, établi à Amsterdam, nommé Pierre Fouquet, qui brocantait pour les grands amateurs parisiens, dont il recevait les ordres. Il ne peut être, ici, question de la copie du miniaturiste à l’huile, Gerrit Lundens (1622-1677), aujourd’hui à la National Gallery, car celle-ci n’est pas de mêmes mesures et se trouvait déjà à Paris, dans la collection Randon du Boisset, après avoir été vendue en 1712, à Amsterdam, avec la collection P. van der Lip, pour la somme, plus modeste, de 263 florins.

Ce dernier détail a bien son prix pour faire ressortir que, si en 1712, on payait cette somme importante pour une copie, assez médiocre, d’après Rembrandt, que devient donc la légende de l’avilissement des œuvres originales du Maitre, dont on n’aurait pas trouvé dix stuivers et qu’on offrait, pour beaucoup moins, chez les brocanteurs d’Amsterdam ?

L’incohérence de ce roman de la rancune est confirmée, d’autre part, par les ventes aux enchères de la collection Six, en 1702, où la grisaille de la Prédication de Saint Jean Baptiste et le portrait de la concubine de Rembrandt, notre Hendrickje Stoffels du Louvre, adjugées pour 710 et 550 florins, réalisaient un bénéfice de 700 florins aux héritiers du prétendu Mécène de l’artiste, sur les prix payés à ce dernier par Jan Six.

Or, on a raconté que Rembrandt était parti à l’aventure sur sa vaste toile, sans préparation suffisante, sans avoir même étudié le dispositif de sa Prise d’armes, et qu’il paya sa témérité du plus retentissant échec de toute sa carrière. Là, encore, les documents d’archives infirment cette assertion romanesque et rétablissent la vérité plus simple, et plus vraisemblable, qui