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Page:Revue des Deux Mondes - 1919 - tome 54.djvu/894

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trésorier, de maître des assurances ou de la banque d’Etat, à tour de rôle, selon les usages de la municipalité d’Amsterdam.

Il est donc vraisemblable que c’est pour fêter sa nomination au rang suprême des miliciens, que Franz Banning Cocq s’adressa à Rembrandt, pour faire don au « Doelen » des Arquebusiers de ce grand tableau qui consacrerait cette prise de grade et devait mettre en évidence sa personne, avec celle de son lieutenant, en posture de chefs parmi leurs officiers subalternes, escortés de quelques familiers.

Quoi qu’il en soit, le prix payé à Rembrandt exclut absolument l’idée d’une commande collective des dix-sept portraits dont les noms furent rajoutés, beaucoup plus tard, sur un cartouche aux armes d’Amsterdam, lequel n’est pas de la main du Maître. Le prix convenu fut de 1 600 florins. Rembrandt, qui demandait à cette époque, — ainsi qu’il ressort d’une déclaration d’Abraham Wilmerdonx, — 500 florins pour un portrait à mi-corps, n’eût pas accepté de peindre dix-sept portraits, en pied, à raison de 76 florins, en moyenne.

D’autre part, ce n’est pas dix-sept figures qu’avait exécutées l’artiste dans cette vaste composition ; on en comptait vingt-cinq avant la mutilation, et il en reste encore vingt-trois dont on comprendrait mal le groupement et la raison d’être, si Rembrandt eût pris à tâche de peindre ces dix-sept portraits. Je sais bien qu’on a raconté qu’il imposait son singe, ou son chien, dans des portraits de nobles personnages qui le trouvaient de fort mauvais goût. Mais où sont ces tableaux légendaires ? Qui donc a jamais vu ce singe, dans ses peintures, dans ses eaux-fortes ou dans ses dessins ?

Le problème serait insoluble, si l’on s’obstinait à l’examiner de ce biais. A la vérité, nos certitudes valent mieux que bien des hypothèses et doivent nous guider vers une explication normale de ce tableau, qui ne comporte que deux portraits étudiés avec soin, dans le milieu et la fonction des deux personnages, selon l’esthétique naturaliste de Rembrandt.

Ne venait-il pas d’achever le grand portrait du pasteur Renier Ansloo consolant une veuve, celui du Constructeur de navires traçant les plans d’un bateau, après s’être assuré son premier grand succès en peignant Nicolaës Tulp donnant sa leçon d’anatomie à des élèves, qui n’ont certainement pas contribué