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certaine Petronia Sarapias. En cas de mort ou de divorce, à l’ouverture de la succession, la femme était qualifiée pour réclamer le montant de cette dot dissimulée.

Bien plus, l’Etat lui-même aidait ces mal mariés à réparer l’incorrection de leurs associations, à arriver à une situation régulière. Au moment où ils quittaient le service avec un congé « honorable, » l’Empereur leur concédait en récompense le droit de cité, s’ils ne le possédaient pas déjà, et déclarait valable suivant la loi romaine l’union qu’ils avaient contractée pendant le service avec des pérégrines ; par suite, et cela était spécifié expressément, les enfants devenaient légitimes et par conséquent citoyens romains. Il suffisait donc au soldat, pour arriver à réaliser ses désirs, de savoir patienter quelques années dans une situation provisoire, de ne point se brouiller avec sa compagne et de préparer par un demi-ménage passager la vie parfaitement correcte que lui réservait l’avenir.

Sans compter que bien souvent les fils des soldats, même non légitimés, entraient à leur tour au service, dès qu’ils en avaient l’âge et par-là étaient appelés à la cité romaine. Tout le monde y trouvait son compte : les jeunes gens, dotés d’un statut personnel privilégié, auquel, leur naissance ne leur donnait aucun droit, et l’État, qui rencontrait sur place des recrues élevées dans le culte de l’Empereur et de la discipline. Rien d’étonnant à ce que, pour une femme de condition modeste, même pourvue d’une petite dot, ce fût un beau mariage que d’épouser un soldat ; tant qu’il servait, elle profitait d’une partie de sa solde, des libéralités impériales, de ses économies ; elle jouissait, par contre-coup, de la considération attachée au métier des armes ; après sa mise à la retraite, elle avait la fierté de devenir femme légitime et mère de citoyens romains. Lorsque, sous le règne de l’empereur Septime Sévère, les anciennes interdictions eurent été levées et qu’il devint permis aux soldats de contracter un mariage légal, les difficultés disparurent, en Égypte aussi bien qu’ailleurs.

Tout rattachait donc les soldats de la province à cette province même ; il est bien naturel qu’ils voulussent y rester, leur service achevé. D’ordinaire ils se consacraient à l’agriculture. L’usage n’existait plus à l’époque impériale de distribuer des lots de terres aux vétérans : l’âge des colonies militaires créées de toutes pièces en un jour et envoyées,