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A.-E. JACOULET

formées, les fortifier dans l’éducation saine, virile, bien française qu’il leur avait donnée.

Il avait choisi l’heure de sa retraite, il en choisit le lieu. Il se fixa dans cette ville de Saint-Cloud à laquelle son cœur restait attaché comme son nom, sur la hauteur, assez près de l’École pour entendre encore bourdonner la ruche. Confiné de plus en plus dans « cette maison du sage », comme il le laissait dire volontiers, il se consacra tout entier à son autre famille, très nombreuse aussi et très belle, que nous avions vue, dans « la maison du travail », grandir, s’accroître, s’élargir par les plus heureuses alliances. Il eut la joie de s’assurer que son héritage, habitudes de travail, traditions de forte culture, don entier de soi-même à l’Université et au pays, resterait entre bonnes mains. Il y éprouva aussi de grandes douleurs : c’est le sort de ceux que la mort épargne longtemps ; et des coups terribles, frappés à ses côtés, purent seuls troubler parfois la sérénité de cette belle vieillesse.

J’ai parlé déjà des fêtes du vingt-cinquième anniversaire, au mois de juin 1906. Des élèves de Fontenay et de Saint-Cloud en avaient pris l’initiative. Le gouvernement de la République choisit cette occasion pour dresser le bilan de son œuvre scolaire. M. Jacoulet, seul survivant des deux fondateurs, reçut dans le grand amphithéâtre de la Sorbonne un hommage unanime de gratitude et de respect. Celui d’une affection filiale lui avait été apporté la veille, dans une inoubliable réunion sous les grands arbres du jardin de l’École. Il y parla, non de lui, mais de nous encore, d’une voix tremblante et avec une émotion qui redoubla la nôtre.

Ce fut la dernière manifestation à laquelle il se prêta. Il n’aimait guère ces démonstrations retentissantes. Il avait, pour son œuvre et pour lui, l’aversion de la publicité tapageuse et l’horreur de tout ce qui ressemble à la réclame. Sa devise favorite était : « Le bien ne fait pas de bruit, le bruit ne fait pas de bien ». Il y fut fidèle jusqu’au bout et tint à s’en aller sans bruit. Le croyant qu’il avait toujours été ne permit, au bord de sa tombe, d’autres paroles que les dernières prières. Le bon citoyen qui avait consacré toutes ses forces au développement de l’école publique et de l’éducation républicaine ne voulait être loué, c’est ce que J’ai tâché de faire, que par son œuvre et en elle.