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Page:Revue pédagogique, second semestre, 1915.djvu/485

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Nécrologie.



Albert Thierry.

Albert Thierry est tombé glorieusement, à Noulette, le 26 mai, frappé par un éclat d’obus, dans la tranchée même où il attendait frémissant le signal de l’attaque.

Plus tard, lorsque nous aurons conquis le droit de nous souvenir et de pleurer, alors nous laisserons parler nos regrets, nos espérances trahies, notre douleur. Aujourd’hui, nous ne devons penser qu’à ce qui, de son âme vit en nous, et par nous doit survivre, aux idées, aux sentiments qui firent de sa vie et de sa mort un exemple. Pour l’honorer dignement, il faut, non nous plaindre, mais le continuer.

Lui-même ne s’est jamais plaint. La vie cependant ne lui fut pas toujours facile. Il connut des heures très dures qui le marquèrent ineffaçablement. Mais il y avait en lui quelque chose d’indomptable qui jamais ne plia. Je le revois tel qu’il nous apparut en 1900, l’année de son entrée à l’École de Saint-Cloud : de taille moyenne, plutôt petite ; mais d’aspect robuste, tête énergique à l’ossature bien marquée, front large sous d’épais cheveux blonds, lèvres fines et menton volontaire, physionomie à la fois ardente et concentrée — et, dans cette force un peu âpre, un peu tourmentée, des yeux clairs, profonds, d’une douceur saisissante et comme invincible. Tel nous le vîmes à vingt ans, tel il était resté à trente, avec Île relief plus ferme, l’accent plus précis et plus nuancé que donne la vie, avec enfin, dans les derniers mois, quelque chose de détendu, d’heureux, sinon encore d’apaisé…

Mais on ne pénétrait pas tout de suite une nature si riche et si secrète, et ce qui nous frappa, dans cette École où les mérites