Page:Sand - Adriani.djvu/172

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on est toujours inquiet quand on ne voit pas devant soi. Avec monsieur, on marche toujours dans les ténèbres.

— Ténèbres ? dit Adriani en partant d’un éclat de rire qui acheva de mortifier Comtois. Il fait le plus beau soleil du monde, mon cher !

— N’importe, reprit Comtois irrité. Je ne connaissais pas monsieur pour un artiste ; je suis entré à son service, de confiance, et je voudrais que monsieur prît la peine de me rassurer ou de me congédier.

— Fort bien ! vous dédaignez les arts ! dit Adriani, que les angoisses de son valet de chambre commençaient à divertir, et qui, en achevant de s’habiller, n’était pas fâché de lui rendre ses mépris en taquineries inquiétantes ; c’est mal à vous, monsieur Comtois. Entre gens de rien, comme vous et moi, on devrait se soutenir, au lieu de se soupçonner.

— Aurait-il vu mon journal ? pensa Comtois.

Il sentit l’ironie et baissa le ton.

— Mon Dieu, monsieur, je ne prétends pas que monsieur…

— Si fait, vous pensez que je vous ai amené au bout de la France et que je vais vous y oublier. Les artistes sont tous fous, égoïstes, indélicats. Dame ! vous les connaissez bien, je le vois, et il n’y a pas moyen de vous en faire accroire !

— Monsieur plaisante ! dit Comtois épouvanté.