Page:Sand - Adriani.djvu/270

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comme ça une goutte d’eau dans l’entr’acte, je me mettrais dans l’estomac un bon gigot de mouton et une ou deux bonnes bouteilles de bordeaux pour me donner des forces.

L’air final fut chanté par Adriani d’une manière vraiment sublime. C’était là qu’on l’attendait. Il y fut chanteur complet et acteur charmant ; sa douleur fut dans l’âme plus qu’au dehors ; mais ses poses étaient naturellement si belles et si heureuses, qu’on le dispensa de l’épilepsie. Il ne cria pas, malgré l’expression dont se servait Comtois ; il chanta jusqu’au bout, et l’émotion produite fut si vraie, que ses amis laissèrent presque tomber le rideau sans songer à l’applaudir : ils pleuraient.

Aussitôt des cris enthousiastes le rappelèrent. Il y eut des dissidents, sans nul doute ; mais ceux-là ne comptent pas et se taisent quand la majorité se prononce. Adriani fit un grand effort sur lui-même pour revenir, de sa personne, recevoir l’ovation d’usage.

Il lui semblait que, jusque-là, il avait été incognito sur le théâtre, et qu’en cessant d’être le personnage de la pièce pour saluer et remercier la foule, il recevait d’elle le collier et le sceau de l’esclavage.

Aux premiers pas qu’il fit sur la scène pour subir son triomphe, une couronne tomba à ses pieds. En même temps, une femme vêtue de rose et couronnée de fleurs rentra précipitamment dans la baignoire d’avant-scène, où, cachée jusque-là, elle n’avait pas été aperçue par