Page:Sand - Constance Verrier.djvu/103

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ser ensemble, on disait que la princesse Gracieuse consultait la vieille fée sa marraine.

« Quand elle m’eut arraché l’aveu de mes peines : — Eh bien ! me dit-elle, où en êtes-vous maintenant avec ce perfide ? l’aimez-vous encore ?

« Je lui racontai fidèlement tout ce qui s’était passé en moi depuis le jour funeste où j’avais saisi la vérité. D’abord, je n’avais eu que du chagrin et point de colère contre ma rivale. Je m’étais défendue de la maudire et de la mépriser. C’était un effet de la crainte que m’inspirait encore mon mari. Je m’imaginais qu’il lisait mes pensées à travers mon cerveau, et que s’il y surprenait de l’aversion contre sa maîtresse, il commencerait à me haïr franchement. Je ne voulais pas compromettre la bonne petite amitié qu’il me témoignait.

« Peu à peu je me fis une telle idée de la puissance de cette femme, que je ne pensai plus à elle sans terreur. Je me sentais l’ennemie et le fléau de ces deux êtres, et je me faisais toute petite pour échapper à leur aversion. Je tremblais quand j’entendais nommer cette danseuse en présence du duc, et je croyais sentir ses yeux sur les miens, bien qu’il n’eût aucun soupçon de mon malaise.

« Puis, cette souffrance comprimée devint si vive qu’elle tourna à l’amertume. Durant la fin de ma grossesse, qui fut assez pénible, ne sortant plus et passant beaucoup d’heures dans ma chambre, je m’avisai de lire des romans. C’était comme une première vengeance