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Page:Sand - Constance Verrier.djvu/231

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Ah ! c’est vous ! et la duchesse m’a dit, à moi : C’est lui, Raoul Mahoult !

— L’infâme ! s’écria Cécile Verrier en se levant et en faisant craquer les phalanges de ses longs doigts ; mais non ! c’est impossible ! tu as rêvé ça ! ça n’est pas arrivé ! Ces deux malheureuses se sont trompées ; elles ont cru reconnaître leur freluquet ; ce n’était pas lui ! À présent, je me souviens… la belle d’Évereux m’a expliqué, à mots couverts, je ne sais quoi, une méprise, un nom que tu as cru entendre, et c’était un autre nom. Elle ne connaissait pas Raoul, la Mozzelli non plus, je crois. Je ne comprenais rien à leurs explications : j’étais si inquiète de toi !… Enfin, ça n’est pas ; crois-moi, Constance, ça ne se peut pas !

— Écoute, reprit Constance. Dans le premier moment, j’ai senti un froid mortel me prendre au cœur, et j’ai dit à la duchesse : Ça m’est égal Je me souviens d’avoir dit ce mot-là et de l’avoir pensé. Abel m’était devenu tout à coup aussi étranger que s’il eût été le mari d’une autre personne ; ça me faisait cet effet-là. La duchesse m’a quittée, et, revenant un peu à moi-même, j’ai dit comme toi : « C’est impossible ; elle se trompe ! » Je me suis levée, et, faisant le tour du berceau par derrière, j’ai été à la croisée du salon pour voir si c’était bien lui dont je croyais avoir reconnu la voix. Tiens, c’était à cette croisée-là ! elle était ouverte, avec la persienne fermée. Je ne pouvais pas voir, j’étais un peu trop bas, mais j’entendais parler ; j’entendais tout. Abel était seul avec la duchesse, pendant que la