Page:Sand - Constance Verrier.djvu/77

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vant pas des goûts plus exquis et un entourage plus digne, ne pouvait m’inspirer que de l’amitié.

« J’aspirais à monter, moi ! Ma vie a été longtemps une ambition vers je ne sais quel idéal, non de gloire ou d’argent, mais de poésie et de sublimité. J’aurais voulu être la plus grande cantatrice du monde, afin de pouvoir me dire : Au-dessus de moi, il n’y a que le pouvoir et la richesse, qui ne sont pas des dons de Dieu, mais des hasards de la destinée. Ce que je suis, je ne le dois qu’à moi-même.

« Donc, le pauvre Ardesi, m’ayant fait monter vers mon but par les progrès que je lui devais, était l’objet de ma reconnaissance et de mon dévouement, vu que je ne suis pas ingrate ; mais il avait un grand tort, selon moi : il n’était pas ambitieux. Il acceptait la médiocrité de sa position avec insouciance, faisant toujours de son mieux par amour de l’art, mais prenant tout en patience comme s’il eût dû vivre deux cents ans. À ses côtés, je m’étourdissais dans l’émotion et le mouvement des études dramatiques ; mais quand, par hasard, j’étais seule quelques instants, je pleurais sans savoir pourquoi.

« Un jour, il me surprit dans les larmes et me gronda en homme de bon sens qu’il était. — Tu regrettes, malgré toi, ta villetta de Recco, je le vois bien, me dit-il, et tu crois être tombée au-dessous de ton sort légitime, ce qui est une grave erreur ! Tu n’étais pas née pour être une signora, mais une marchande de légumes. Te voilà artiste, c’est un pas im-