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Page:Sand - Correspondance 1812-1876, 1.djvu/303

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CORRESPONDANCE DE GEORGE SAND
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comme la Valentine que j’ai rêvée autrefois, et plus intelligente ; car vous l’êtes diablement trop, et c’est le seul reproche que je trouve à vous faire. C’est celui que j’adresse à Franz, à tous ceux que j’aime. C’est un grand mal que le nombre et l’activité des idées. Il n’en faudrait guère dans toute une vie : on aurait trouvé le secret du bonheur.

Je me nourris de l’espérance d’aller vous voir, comme d’un des plus riants projets que j’aie caressés dans ma vie. Je me figure que nous nous aimerons réellement, vous et moi, quand nous nous serons vues davantage. Vous valez mille fois mieux que moi ; mais vous verrez que j’ai le sentiment de tout ce qui est beau, de tout ce que vous possédez. Ce n’est pas ma faute. J’étais un bon blé, la terre m’a manqué, les cailloux m’ont reçue et les vents m’ont dispersée. Peu importe ! le bonheur des autres ne me donne nulle aigreur. Tant s’en faut. Il remplace le mien. Il me réconcilie avec la Providence et me prouve qu’elle ne maltraite ses enfants que par distraction. Je comprends encore les langues que je ne parle plus, et, si je gardais souvent le silence près de vous, aucune de vos paroles ne tomberait cependant dans une oreille indifférente ou dans un cœur stérile.

Vous avez envie d’écrire ? pardieu, écrivez ! Quand vous voudrez enterrer la gloire de Miltiade, ce ne sera pas difficile. Vous êtes jeune, vous êtes dans toute la force de votre intelligence, dans toute la pureté de votre jugement. Écrivez vite, avant d’avoir