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Page:Sand - Correspondance 1812-1876, 1.djvu/331

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CORRESPONDANCE DE GEORGE SAND


CXXXIII

À MAURICE DUDEVANT, AU COLLÈGE HENRI IV


La Châtre, 10 décembre 1835.


Tu es un drôle de gamin avec tes rêves, tu mets Emmanuel[1] à toute sauce ; lui as-tu raconté cette farce-là ?

Tu dois avoir reçu, par lui, une lettre de moi, datée du 27 ; ainsi tu ne te plaindras plus de mon silence. Ta lettre est bien écrite et très comique ; mais l’orthographe n’est pas si bonne que les autres fois. Il faut t’appliquer bien sérieusement à apprendre ta langue, chose des plus difficiles, qu’on apprend assez mal dans les collèges.

Il y a un grand inconvénient à l’apprendre tard, parce qu’alors on l’oublie et l’on fait des fautes toute sa vie ; ce qui arrive aux trois quarts des personnes, et ce qui n’est pas pardonnable. À dix ans, je ne faisais pas une faute ; mais on se dépêcha trop de me faire quitter la grammaire, j’oubliai donc ce que je savais si bien. Au couvent, on m’apprit l’anglais, l’italien, et on négligea d’examiner si je savais bien ma langue. Ce ne fut qu’à seize ans qu’étant à Nohant, ayant honte de si mal écrire en français, je rappris moi-

  1. Emmanuel Arago.