Page:Sand - Francia.djvu/79

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— Vous l’aviez pourtant vue sur le théâtre ; si vous l’eussiez retrouvée à la Bérézina, vous l’auriez bien reconnue ?

— Oui, si j’avais eu le loisir de regarder quelque chose ; mais dans une charge de cavalerie…

— Vous avez donc chargé les traînards ?

— Sans doute, c’était mon devoir. Avait-elle passé la Bérézina, ta mère, quand tu as été séparée d’elle ?

— Non, nous n’avions point passé. Nous avions réussi à dormir, à moitié mortes de fatigue, à un bivouac où il y avait bon feu. La troupe nous emmenait, et nous marchions sans savoir où on nous traînait encore. Nous étions parties de Moscou dans une vieille berline de voyage achetée de nos deniers et chargée de nos effets ; on nous l’avait prise pour les blessés. Les affamés de l’arrière-garde avaient pillé nos caisses, nos habits, nos provisions : ils étaient si malheureux ! Ils ne savaient plus ce qu’ils faisaient ; la souffrance les rendait fous. Depuis huit jours, nous suivions l’armée