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Page:Sand - Jean Ziska, 1867.djvu/9

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jean ziska.

huitième siècle ; enfin si Jean Ziska était une fiction ou une figure historique. Bien loin de dédaigner cette sainte ignorance, je suis charmé de pouvoir faire part à mes patientes lectrices du peu que j’ai lu sur cette matière, et de l’enrichir de quelques contradictions que je me suis permis de puiser à meilleure source ; oserai-je dire quelquefois sous mon bonnet ? Pourquoi non ? J’ai toujours eu la persuasion qu’un savant sec ne valait pas un écolier qui sent parler dans son cœur la conscience des faits humains.

Mon récit commence à la fin de ce fameux et scandaleux concile de Constance, où les bûchers de Jean Huss et de Jérôme de Prague vinrent apporter un peu de distraction aux ennuis des vénérables pères et des prélats qui siégeaient dans la docte assemblée. On sait qu’il s’agissait d’avoir un pape au lieu de deux qui se disputaient fort scandaleusement l’empire du monde spirituel. On réussit à en avoir trois. La discussion fut longue, fastidieuse. Les riches abbés et les majestueux évêques avaient bien là leurs maîtresses ; Constance était devenu le rendez-vous des plus belles et des plus opulentes courtisanes de l’univers ; mais que voulez-vous ? On se lasse de tout. L’Église de ce temps-là n’était pas née pour la volupté seulement ; elle sentait ses appétits de domination singulièrement méconnus chez les nations remuantes et troublées : le besoin d’un peu de vengeance se faisait naturellement sentir. Le grand théologien Jean Gerson était venu là de la part de l’Université de Paris pour réclamer la condamnation d’un de ses confrères, le docteur Jean Petit, lequel avait fait, peu d’années auparavant, l’apologie de l’assassinat du duc d’Orléans, sous la forme d’une thèse en faveur du tyrannicide. Jean Petit était la créature du meurtrier Jean-sans-Peur, duc de Bourgogne ; Jean Gerson, quoique dévoué aux d’Orléans, était animé d’un sentiment plus noble en apparence. Il