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Page:Sand - L Autre.djvu/65

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ques, un peu païens encore, mais sans que notre égoïsme gêne les autres, nous avons si peu de besoins ! Nous manquons de grâce et d’éloquence ? Notre mistral fait si bien résonner la mer ! Nous n’avons qu’à l’écouter pour entendre un chant plus beau que les vaines paroles. Notre soleil sans voiles nous dessine brutalement la réalité, et nous habitue à n’aimer qu’elle. Quand on est de votre temps et de votre pays, on peut aimer les belles phrases et chercher les grands rôles, se draper en Hamlet ou en Lara… Nous ne vivons pas si haut, nous autres, nous nous effaçons et nous nous faisons petits pour ne pas être… blagués ! Nous tâchons d’être raisonnables et d’aimer nos femmes tranquilles. Vous me regardez, vous ne me faites pas l’honneur de me discuter ?

MAXWELL.

Je vous écoute, monsieur Marcus, et j’étudie !

MARCUS.

Votre attention est dédaigneuse, monsieur.

MAXWELL, simplement.

Seulement un peu méfiante ! Vous ne connaissez pas mon pays, monsieur Marcus, et je ne me vante pas de bien connaître le vôtre ; mais je crois que, partout, le beau rôle consiste à élever son esprit au lieu de se retrancher dans son instinct. L’arbre a bien le droit de se retrancher dans son écorce et le caïman dans sa carapace ; mais l’homme, ainsi cuirassé, ne serait pas bien séduisant, et risquerait de s’atrophier. Sur tous les rivages, une voix qui chante lui dit d’ouvrir ses ailes et de prendre son essor. Sous tous les soleils, une lumière divine lui montre le but, c’est-à-dire la souveraine expansion, l’amour ! S’il y a quelque part une brise qui dessèche le cœur et une mer qui lui impose silence, il faut lutter contre cette tyrannie de la nature, car l’indifférence mène à l’égoïsme, et, qu’il soit païen ou romantique, il est le poison lent, mais implacable, qui détruit le bonheur !

MARCUS.

Cet assaut de métaphores entre nous signifie qu’Hélène