Page:Sand - Laura - Voyages et impressions.djvu/113

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des naturels, quand vous savez que ces malheureux sont maintenant blottis à plusieurs centaines de lieues vers le sud, dans leurs cabanes de neige chauffées à quatre-vingt-dix degrés ? Et, chose plus étonnante encore, comment admettez-vous l’idée de laisser périr ici un si vaillant et si excellent équipage, au mépris de toutes les lois divines et humaines ? Ceci est une de ces terribles plaisanteries par lesquelles vous avez juré de m’éprouver, mais à laquelle un enfant de quatre ans ne croirait pas ; car, si vous ne vous souciez pas de vos braves compagnons de voyage, vous vous souciez bien un peu, j’imagine, des moyens de revenir en Europe et d’un magnifique navire qui ne peut se passer d’entretien journalier et de sauvetage au besoin.

― Je vois, reprit Nasias en éclatant de rire, que la prudence et l’humanité se marient agréablement dans tes sages préoccupations. Je vois aussi que la peur et le froid ont affaibli ta pauvre cervelle et qu’il est temps de te ranimer par un moyen dont tu n’as pas conscience, mais qui n’a jamais manqué son effet sur toi.