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Page:Sand - Le Dernier Amour, 1882.djvu/165

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— Mon cher enfant, lui dis-je, je n’ai que des conseils d’amitié paternelle à vous donner. Vous me les permettez, et j’en suis reconnaissant. Me permettez-vous aussi de vous faire quelques questions ?

— Faites, répondit-il en m’embrassant.

— Eh bien, repris-je, ne pensez-vous pas que vous êtes bien jeune pour vous marier ?

— Je suis jeune, en effet ; mais la Vanina est jeune aussi. J’ai vingt-deux ans, elle en a seize. Je suis assez raisonnable pour elle. Si je l’étais davantage, elle aurait le droit de trouver que je le suis trop.

— Mais le mariage est une chose grave !

— Pour vous et pour ma cousine, oui, très-grave, mais non pour des jeunes gens qui ne sont rien, qui ne possèdent rien, dont l’avenir ressemblera beaucoup au passé, et qui n’ont pas l’habitude de se creuser la cervelle pour résoudre des problèmes. Nous travaillerons, nous nous aimerons, nous ne réfléchirons guère, et nous serons très-heureux…

Félicie voulut faire une objection : il ne lui en laissa pas le temps.

— Oh ! vous, ma cousine, lui dit-il, vous n’y entendez rien, permettez-moi de vous le dire. Vous en cherchez trop long pour moi. Vous m’avez fait de grandes morales autrefois, et je vous écoutais, tout confit en Dieu et en vous. C’était l’âge où vous vouliez faire de moi quelque chose de très-bien, où vous rêviez pour moi dans l’avenir un mariage bourgeois ;