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Page:Sand - Le Dernier Amour, 1882.djvu/166

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mais j’ai réfléchi. Depuis que vous ne vous souciez plus de moi, je me suis dit qu’épouser une riche fermière ou une chevrière sans le sou, c’était toujours déroger pour un gentilhomme, et qu’il me fallait trouver une princesse ou me contenter d’une bergère. Or, la princesse ne me tombera certainement pas du ciel ; autant vaut donc choisir la bergère qui me plaira, et celle-ci me plaît. Donnez-la-moi, j’irai vivre avec elle sur la montagne, et, avant peu, je vous réponds que vous aurez beaucoup de chevreaux superbes et plusieurs petits cousins très-gentils que vous aimerez peut-être comme vous m’avez aimé — du temps que j’étais gentil…

J’écoutais Tonino en souriant. Il y avait quelque chose de si sympathique dans sa bonne humeur ! Quant à Félicie, elle l’écoutait froidement et comme mécontente de sa légèreté.

— Vous vous fiez à lui, me dit-elle, vous avez peut-être tort. C’est un garçon qui rit de tout, et je n’ai pas bonne idée de ses projets sur la Vanina.

— Certes, quand il s’agit de moi, reprit Tonino, vous doutez de tout, même de mon honneur ; mais vous, monsieur Sylvestre ?

— Moi, j’y crois, à votre honneur : reconnaissez-vous qu’il est engagé, du moment que vous demandez l’autorisation d’aimer une jeune fille que votre cousine a le devoir de protéger ?

— Si je vous dis oui, serez-vous tranquille ?

— Je serai tranquille, si vous dites oui.