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Page:Sand - Le Marquis de Villemer.djvu/32

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à mesure que sa physionomie se révèle. Il n’est ni petit ni grand, ni beau ni laid. Sa mise n’a rien de négligé et rien de recherché. Il semble avoir l’aversion instinctive de tout ce qui veut attirer l’attention sur la personne. Pourtant on s’aperçoit bien vite que ce n’est pas là un homme ordinaire. Le peu de mots qu’il vous dit est d’un sens profond ou délicat, et ses yeux, quand ils perdent l’embarras d’une certaine timidité, sont si beaux, si bons, si intelligents, que je ne crois pas en avoir jamais rencontré de pareils.

Sa conduite envers sa mère est admirable et le peint tout entier. Je lui ai vu dépenser plusieurs millions, toute sa fortune personnelle, pour payer les folies du fils aîné, et il n’a jamais sourcillé, jamais fait une observation, jamais montré un dépit ou un regret. Plus elle a été faible envers ce fils ingrat et détestable, plus le marquis a été tendre, dévoué, respectueux. Tu vois qu’il est impossible de ne pas estimer cet homme-là, et quant à moi, je sens une sorte de vénération pour lui.

En outre, son commerce est fort agréable. Il ne parle presque pas dans le monde ; mais, dans l’intimité, la première réserve surmontée, il cause avec un grand charme. Ce n’est pas seulement un homme instruit, c’est un puits de science. Je crois qu’il a tout lu, car, sur quelque sujet qu’on le mette, il est intéressant et prouve qu’il a été au fond de tout. Sa conversation est si nécessaire à sa mère que, lorsque quelque affaire empêche ou diminue sa visite accou-