Page:Sand - Le Marquis de Villemer.djvu/357

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fût doutée qu’au dernier moment. Cependant il la regarda et la vit si pâle et l’œil tellement égaré qu’il en fut effrayé.

— Eh bien ! eh bien ! lui dit-il, qu’est-ce qu’il y a ? Il n’y a plus rien ! Ce ne sera rien !

— Oh ! rien ! lui répondit-elle avec un rire amer, en lui montrant Urbain renversé sur le banc de ta charrette, le visage bleui par le froid, les yeux grands ouverts, vitreux comme ceux d’un cadavre.

Peyraque regarda encore autour de lui. Aucun secours humain n’était à espérer. Il sauta dans la voiture, serra étroitement M. de Villemer dans ses bras, le frictionnant avec vigueur, le meurtrissant dans ses mains de fer, cherchant à lui communiquer la chaleur de son vieux sang, ranimé par le travail et la volonté ; mais ce fut en vain. À l’effet du froid se joignait celui d’une crise nerveuse particulière à l’organisation du marquis.

Il n’est pourtant pas mort ! disait Peyraque ; je le sens, j’en suis sûr. Ah ! si j’avais de quoi faire du feu ! mais je ne peux pas en faire avec des pierres !

— Si nous brûlions la carriole ! s’écria Caroline à tout hasard.

— C’est une idée… oui ! mais après ?

— Après, après, Dieu nous enverra du secours. Ne vois-tu pas que la première chose à faire, c’est d’empêcher la mort de nous prendre ici ?

Peyraque vit Caroline si pâle, avec des tons violets sous les yeux, qu’il crut qu’elle se sentait mourir aussi.