Page:Sand - Le Marquis de Villemer.djvu/358

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Il n’hésita plus et risqua le tout pour le tout. Il détela son cheval, qui, aussitôt, comme les chevaux cosaques, se roula dans la neige pour se reposer. Il enleva la capote de sa voiture, et, la plaçant à terre, il y porta M. de Villemer, toujours inerte et glacé ; puis, tirant de ses coffres quelques poignées de foin, de vieux papiers et des débris de toile d’emballage, il plaça le tout sous la charrette et y mit le feu avec son briquet à fumer ; cassant avec ses outils de maréchal ferrant les planches et les ais de son pauvre véhicule, il réussit à faire de la flamme et des tisons en peu d’instants. Il démolissait et brisait à mesure qu’il brûlait. La neige ne tombait plus, et M. de Villemer, placé dans un demi-cercle de débris enflammés, commençait à regarder avec stupeur l’étrange scène qu’il prenait pour un rêve.

— Il est sauvé ! sauvé ! entends-tu, Peyraque ? s’écria Caroline, qui le sentit faire un effort pour se soulever. Sois cent fois béni ! tu l’as sauvé !

Le marquis entendit la voix de Caroline près de lui, mais, se croyant toujours halluciné, il ne cherchait pas à la voir. Il ne comprit ce qui se passait qu’en sentant sur ses mains les lèvres éperdues de Caroline. Il pensa alors qu’il allait mourir, puisqu’elle ne le fuyait plus, et, d’une voix faible, essayant de sourire, il lui dit adieu.

— Non, non, pas adieu ! répondit-elle en couvrant son front de baisers ; il faut vivre, je le veux, je vous aime !