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Page:Sand - Le compagnon du tour de France, tome 1.djvu/94

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de cette maison ambulante, où toutes les aises de la vie accompagnent le riche. Voici un marchand voyageant sur un bon et fort cheval ; il porte une lourde valise, et la crosse de ses pistolets brille au clair de la lune. Voyez pourtant ! il nous craint, il nous soupçonne… Il retient la bride de son cheval, et prend l’autre revers du chemin pour éviter de passer près de nous. Son cheval est chargé d’or et son âme de soucis ; sa marche est inquiète et silencieuse. Pauvre trafiquant, entends-tu cette cadence joyeuse, là-bas au fond du ravin de la Loire ? Supposes-tu que ce chant sonore soit celui d’un vieillard invalide sans famille, sans argent, sans armes, et sans autre appui qu’une jambe de bois et le cœur de quelques amis aussi pauvres que lui ?

— Ce que tu dis me frappe, reprit Amaury, et, je ne sais pourquoi, je me sens les yeux pleins de larmes en écoutant cette chanson. Explique-moi cela, Pierre, toi qui expliques tant de choses !

— Dieu est grand et l’homme aussi ! répondit Pierre avec un soupir.

— Qu’entendez-vous par là ? reprit son camarade.

— Il y aurait trop à dire, mon Corinthien, et le mieux sera de parler d’autre chose, dit l’Ami-du-trait en reprenant sa marche. Tu as à m’expliquer les dernières paroles que Vaudois nous disait en nous quittant. J’ignore de quelle grande affaire et de quel grand secret il voulait parler.

— Comment ! s’écria Amaury, ignores-tu ce qui se passe à Blois entre les Dévorants et nous ? Je pensais que tu avais reçu une lettre de convocation et que tu te rendais à l’appel de nos frères.

— Je vais à Blois pour une affaire toute personnelle, et dont la moitié est faite, ami, si je ne me flatte pas d’un vain espoir.