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Page:Sand - Le compagnon du tour de France, tome 2.djvu/9

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LE COMPAGNON

Villepreux. C’était un timbre élégant et pur, mais ordinairement dénué d’inflexions et peu vibrant. Cet organe était en harmonie avec toute l’apparence de sa personne. Mais quel était donc l’homme qui lui donnait le bras ? Il portait un de ces manteaux qu’on appelait alors quiroga, et un chapeau dit à la Morillo. Sa démarche assurée montrait, aussi bien que son costume que ce n’était pas le comte de Villepreux. Ce n’était pas non plus le jeune Raoul : Pierre venait de le voir passer, en veste et en casquette, avec un fusil pour tuer des lapins à l’affût. Ce pouvait être un parent nouvellement arrivé au château. Pierre continua de marcher derrière eux à distance. L’obscurité des allées l’empêchait de les bien voir ; mais, lorsqu’ils traversaient une clairière, on pouvait distinguer les gestes animés de l’homme au quiroga. Il parlait avec feu, et quelques notes d’une voix retentissante, qui ne semblait pas inconnue à Pierre Huguenin, arrivaient de temps en temps jusqu’à lui.

Intrigué, tourmenté, Pierre ne put résister au désir de doubler le pas pour les entendre de plus près. Mais, comme il traversait un endroit sombre, il s’aperçut, à la voix, que les promeneurs revenaient sur leurs pas et se rapprochaient de lui de plus en plus. Il ne crut pas devoir les éviter, et bientôt, en recueillant ses souvenirs, il reconnut la voix, l’allure et le ton bref et saccadé de M. Achille Lefort, l’enrôleur patriotique.

Comme Achille passait tout auprès de Pierre, il prononça ces paroles avec un accent fort animé : — Non, certes, je ne renoncerai pas à l’espérance, et je suis certain que M. le comte…

Il s’interrompit en apercevant Pierre Huguenin qui marchait dans la contre-allée.

Mademoiselle de Villepreux pencha le corps en avant, en baissant un peu la tête, dans l’attitude qu’on prend