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Page:Sand - Les Deux Freres.djvu/246

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— La reconnaissance du cœur est faite ici entre nous, et je l’accepte avec une joie profonde ; mais je veux et je dois vous dire tout de suite que je n’en accepterai jamais d’autre.

— Je comprends, dit Roger. Les mauvaises raisons et les sottes paroles que je t’ai dites hier à la Violette t’ont trop impressionné, et tu crois que ma mère aura encore à souffrir pour toi. Tout ce que je t’ai dit est non avenu. Vois cette déclaration de mon père, que je ne connaissais pas.

— Je la connais aussi, répondit Gaston en refusant de prendre possession de l’écrit. Je ne la trouve pas suffisante pour expliquer la durée de mon bannissement aux yeux des indifférents. Inutile pour notre conviction à nous deux, elle serait vaine devant la malveillance. M. le comte Adalbert de Flamarande n’a pas voulu de moi pour son fils, puisqu’il est mort sans me rappeler. Je ne veux pas de lui pour mon père. Je ne veux pas porter son nom, je ne veux pas de ses biens. Si, comme je l’espère, j’ai un jour des enfants, je ne veux pas avoir à leur raconter la double légende de Gaston le berger. C’est en me désintéressant de toute parenté avec lui que je puis lui pardonner et m’abstenir de le blâmer. S’il a été d’une fierté cruelle, je suis, moi, d’une fierté farouche, et je ne veux pas d’une situation qu’il m’a refusée. N’essayez pas de me faire changer d’avis, ce serait peine inutile.