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les sept cordes de la lyre

des phénomènes analogues. En partant de ce raisonnement, et en brisant encore deux cordes de la lyre, vous vous emparerez du secret.

albertus. Je ne le ferai pas. Dieu sait quelle crise Hélène aurait à subir cette fois-ci !

méphistophélès. C’est un noble sacrifice, et je vous approuve. Cependant, je suis fâché que tout ceci ait fait tant de bruit, et que le pays tout entier soit bouleversé par les contes de sorciers et de revenants auxquels la folie d’Hélène et le son étrange de la lyre ont donné lieu. Vous passez maintenant pour un magicien, et moi aussi par contre-coup. Vous savez que je ris volontiers de toutes les choses qui me concernent ; mais, quant à vous, je suis vraiment affligé de vous voir perdre toute votre salutaire influence, et je prévois que vos excellentes doctrines, loin de porter leurs fruits, vont tomber dans un discrédit complet.

albertus. N’espérez pas me prendre par la vanité, je suis au-dessus de ce que les hommes diront de moi.

méphistophélès. Il n’est pas question de cela. Vous aviez une mission à remplir auprès des hommes, et vous les abandonnez à l’ignorance et à l’erreur…

albertus. Je n’aime pas assez l’humanité pour lui sacrifier Hélène ; Hélène est une âme pure, un être céleste. Les hommes sont tous des despotes, des traîtres ou des brutes.

méphistophélès. Je vois que la musique a fait son effet : c’est le propre de la lyre d’imposer à ceux qui l’écoutent les émotions de celui qui la fait parler. Il serait bien malheureux pour vous que vous restassiez sous cette impression fâcheuse ; le monde y perdrait beaucoup, et vous en auriez un jour de grands remords.