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lettres à marcie

ches que disperse le vent de la mort. Protestez, Marcie, protestez en vous-même contre ces influences funestes : vous ne savez pas qu’un front sans tache peut arrêter la voûte croulante des cieux. Laissez aux hommes forts le soin de rebâtir leurs temples ; vous, triste et chaste colombe, reconstruisez votre nid solitaire ; ange silencieux, prosternez-vous dans l’ombre du parvis. En apercevant votre front pâle et radieux, quelques-uns diront : « Il y a encore de l’amour dans les cieux, car il y a encore de l’espérance sur la terre. »

Et, quant à ces dangereuses tentatives qu’ont faites quelques femmes dans le saint-simonisme pour goûter le plaisir dans la liberté, pensez-en ce que vous voudrez, mais ne vous y hasardez pas, cela n’est pas fait pour vous. Vous ne sauriez aimer à demi, et, si vous aimez un jour, vous aimerez à jamais. Vous aurez accepté un hommage libre, et bientôt vous aurez horreur de ce droit d’infidélité que se sera réservé votre époux. Si vous vous soumettez par engagement aux principes d’une étrange vertu, à cette immolation de votre orgueil légitime, vous souffrirez, vous souffrirez longtemps, toujours peut-être ; car les organisations fortes ont de forts attachements, elles ne sont pas mobiles comme le vulgaire, aucune considération d’intérêt ou de vanité ne peut les arracher à la douleur de leurs blessures. Elles se dévorent elles-mêmes et sont plus inhabiles à se guérir que les âmes faibles ; un sang brûlant et intarissable coule à longs flots dans leurs veines. Que serait donc une société nouvelle où les belles âmes n’auraient pas le droit d’étendre leurs ailes et de se développer dans toute leur étendue, où le fort serait de par la loi le jouet et la