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Page:Sand - Les Sept Cordes de la lyre.djvu/187

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lettres à marcie

dupe du faible ? Et comment cela n’arriverait-il pas sans cesse sous un régime qui l’autoriserait, puisque cela arrive si souvent sous un régime qui le prohibe ? Étrange remède à la corruption d’une société, que de lui ouvrir toutes grandes les portes de la licence ! Ce que l’homme rêve, ce qui seul le grandit, c’est la permanence de l’état moral, le caractère des grandes choses dans l’ordre matériel, c’est la durée ; et c’est aussi à quoi, dans l’ordre moral comme dans l’ordre matériel, l’homme atteint le plus difficilement. À Dieu seul est réservée l’immutabilité sublime. Mais tout ce qui tend à fixer les désirs, à raffermir les volontés et les affections humaines, tend à ramener sur la terre ce règne de Dieu, qui ne signifie autre chose que l’amour et la pratique de la vérité.

La vérité, c’est l’amour de la perfection, et la perfection, c’est l’éternelle tentative de l’esprit pour dompter la matière. C’est la dure victoire sur les appétits ardents ; c’est l’austère immolation des satisfactions vulgaires. Il ne s’agit pas pour vous, Marcie, qui avez admiré toute votre vie dans les grands hommes le reflet de la puissance céleste, pour vous qui demandez sincèrement le secret d’être heureuse, et qui, fatalement, par l’élévation de votre caractère, ne pouvez trouver ce secret hors de la grandeur ; il ne s’agit pas, dis-je, de vous créer des principes qui vous procurent des plaisirs et de la liberté matérielle. Il s’agit, âme pure, âme triste et fière, d’adopter des principes qui vous fassent de plus en plus pure, qui vous assurent les vrais biens, et fondent votre liberté morale sur des bases inébranlables.

Peut-être qu’on pourrait donner à tous les hommes la même assurance, et leur prédire qu’ils ne trouve-