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Page:Sand - Les Sept Cordes de la lyre.djvu/241

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lettres à marcie

sivement sur celui des époux qui se montre le plus sage et le plus attaché à la vertu. La haine du despote s’en accroît, et souvent la loi est forcée d’intervenir pour soustraire à ses fureurs une victime épuisée.

Pour autoriser cet oubli des devoirs et pour empêcher la femme d’accaparer par sa vertu l’ascendant moral sur la famille et sur la maison, l’homme a dû trouver un moyen de détruire en elle le sentiment de la force morale, afin de régner sur elle par le seul fait de la force brutale ; il fallait étouffer son intelligence ou la laisser inculte. C’est le parti qui a été pris. Le seul secours moral laissé à la femme fut la religion, et l’homme, s’affranchissant de ses devoirs civils et religieux, trouva bien que la femme gardât le précepte chrétien de souffrir et se taire.

Le préjugé qui interdit aux femmes les occupations sérieuses de l’esprit est d’assez fraîche date. L’antiquité et le moyen âge ne nous offrent guère, que je sache, d’exemples d’aversion et de systèmes d’invectives contre celles qui s’adonnent aux sciences et aux arts. Au moyen âge et à la renaissance, plusieurs femmes d’un rang distingué marquent dans les lettres. La poésie en compte plusieurs. Les princesses sont souvent versées dans les langues anciennes, et il y a un remarquable contraste entre les ténèbres épaisses où demeure le sexe et les vives lumières dont les femmes de haute condition cherchent à s’éclairer. Ces honorables exceptions n’excitent aucune haine chez les contemporains, et sont, au contraire, mentionnées par les écrivains de leur siècle sur un pied d’égalité qui serait à tort ou à raison fort contesté dans les mœurs littéraires d’aujourd’hui. Les chefs de famille avaient-ils autrefois plus de gravité et de