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lettres à marcie

justice ? La foi religieuse leur inspirait-elle des sentiments plus doux et plus nobles envers leurs épouses ? Je le pense ; la loi de l’Église fondée sur les impérieux préceptes de saint Paul n’a jamais été réclamée par les maris avec plus d’âpreté que depuis la transgression de toutes les autres lois de l’Église et l’oubli de tous les autres apôtres. Quelque éloigné qu’on fût déjà, il y a cinq cents ans, de l’esprit du christianisme, l’esprit public issu et formé de cette philosophie chrétienne commandait aux hommes l’accomplissement de leurs devoirs domestiques. Le mari est aisément absolu lorsqu’il est juste et bon. La femme obéit instinctivement à ce qu’elle aime : esclave tendre et infatigable de ses enfants au berceau, comment ne serait-elle pas soumise volontairement à des conseils sages et affectueux ? Il est certain que le lien de la famille a été en se relâchant avec les époques de brillantes corruptions, et le xviiie siècle a porté une atteinte mortelle à la dignité du lien conjugal.

La principale raison de ce fait est l’énervement du caractère viril déjà préparé sous les règnes précédents, et consommé sous le long et paisible règne de Louis XV. Jusque-là, le système de guerres continuelles qui opposait des obstacles matériels au développement de l’esprit humain, a tenu la généralité des deux sexes dans une ignorance à peu près égale. La marche de la science et de la philosophie n’est pas suspendue, mais quelques élus seulement peuvent s’arracher aux préoccupations politiques, s’isoler et cultiver le champ sublime sur des hauteurs inaccessibles à la foule. Les agitations sociales, ici les croisades, plus loin les guerres de schisme, em-