Page:Sand - Mademoiselle La Quintinie.djvu/111

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m’a juré que vous l’autorisiez, lui, à ne pas se marier sans amour, il m’a juré aussi qu’il n’aurait jamais d’amour que pour Lucie. N’ai-je pas été bien jeune, bien enfant, moi qui me pique de raison, de prendre cet enthousiasme si spontané au pied de la lettre ? Je crains de vous avoir déplu, je crains d’avoir été un mauvais ami, et d’avoir, au beau milieu de cette promenade matinale de notre vie, saisi avec empressement le meilleur chemin, en laissant mon aventureux camarade s’engager follement dans les abîmes ! Si je suis coupable d’égoïsme, grondez-moi et arrêtez-moi. Rien n’est perdu peut-être. Élise n’a encore pris envers moi aucun engagement, non plus que moi envers elle. Elle est encore assez jeune pour que sa mère ne soit point pressée de fixer son avenir. Émile peut un jour, bientôt peut-être, renoncer à Lucie et regretter Élise… Enfin dites un mot, et je retourne à Paris sur-le-champ. Je suis peut-être égoïste de premier mouvement ; mais vous m’avez toujours dit qu’au fond du cœur j’étais un assez bon diable, et je suis jaloux de ne pas vous faire mentir pour la première fois que je me vois à l’épreuve. Le sacrifice me serait un peu dur, je l’avoue, beaucoup plus dur qu’il ne l’eût été il y a environ un mois, quand Émile m’a interrogé pour la première fois ; mais il n’est pas encore impossible, et impossible ou non, si la délicatesse et l’amitié l’exigeaient !… Vous voyez, d’après ma soumission, que je peux encore vous prendre pour arbitre sans compromettre le bonheur de mademoiselle Marsanne, jusqu’ici fort peu impatiente de faire son choix.

Nous, avons tous passé l’après-midi à Turdy pour y fêter le retour de mademoiselle La Quintinie dans ses pénates. Je ne vous dirai rien de ce qui s’est passé entre elle et Émile, d’abord parce qu’en ce moment il est, j’en suis bien sûr, occupé à vous l’écrire, ensuite parce que