Page:Sand - Mademoiselle La Quintinie.djvu/178

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ne lui demandait rien me causa un attendrissement extraordinaire. Je la regardai comme si elle m’apparaissait pour la première fois. Ce sourire l’avait transfigurée, elle était belle. Encore pâle sous ses cheveux bruns, elle s’animait peu à peu, comme un bouton de fleur qui s’entr’ouvre et se colore au soleil. Elle se leva pour aller regarder le petit nid que l’oiseau venait de quitter, et son sourire devint un franc rire d’étonnement et d’admiration. Elle revint à moi, et, voyant mes yeux attachés sur les siens, elle hésita un peu, s’enhardit, et vint pour la première fois m’embrasser et me caresser de son plein gré.

« Nous nous aimions enfin ! Elle avait pris confiance en moi, et moi… comment vous dirai-je ce qu’elle m’inspirait tout à coup ? C’était comme la révélation d’une chose jusque-là ignorée, le charme de l’enfance. Les religieuses — et vraiment j’en étais une, bien que libre encore — ne connaissent pas le sentiment maternel. Il faudrait le deviner, et elles ne doivent pas chercher à en pénétrer les mystères. Leurs enfants d’adoption sont pour elles de petites sœurs qu’elles gouvernent plus ou moins bien, mais que leurs entrailles repoussent en quelque sorte. Il y en a même bon nombre qui détestent les enfants malgré elles, comme si leur conscience chagrine protestait contre la stérilité de leur vie. Pour moi, j’aimais l’enfance, mais je ne l’avais jamais comprise. C’étaient toujours de jeunes âmes à éclairer des lumières de la religion, mais non ces êtres complets et vraiment angéliques que les enfants sont en réalité. La beauté, la grâce, et je ne sais quoi de mystérieusement divin, comme si Dieu n’avait pas besoin de nous pour se révéler à eux plus intimement qu’à nous-mêmes, voilà ce qui me frappa d’une lumière imprévue. Pourquoi le nid du petit oiseau charmait-il la pensée de Lucette ? Savait-elle si c’était un berceau ou un simple amusement ? Si elle me