Page:Sand - Mademoiselle Merquem.djvu/173

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— Faites attention à mon vieux Bellac, me dit tout bas Célie, Les jambes vont encore ; mais il devient chaque jour plus distrait. Je vous le confie !

Et elle partit en avant avec Stéphen.

J’amenai le vieillard à bon port, et, quand nous fûmes rendus les derniers à la grille du parc, Célie, qui nous attendait pour nous dire bonsoir, nous montra la lune, qui, réduite à un tout petit croissant, se levait derrière l’écueil où nous avions soutenu, quelques heures auparavant, une si furieuse lutte contre le flot. Il était apaisé et se brisait en filets d’argent sur les rochers noirs. Pendant que Stéphen admirait l’effet en causant avec M. Bellac, Célie prit mon bras et m’emmena à quelques pas du petit groupe. J’étais ivre de bonheur, et involontairement je serrais convulsivement son bras contre ma poitrine.

— Est-ce que vous m’aimez ? me dit-elle tout à coup d’un ton résolu, en s’arrêtant au bord de l’abîme.

— À en mourir ! répondis-je éperdu.

— Eh bien, écoutez, il ne faut pas vous battre avec cet étranger, si, apprenant qui vous êtes, il vous provoque en duel.

— S’il est aussi méprisable que le juge Stéphen, je ne lui ferai pas l’honneur d’un duel. Je l’assommerai tout à fait, s’il m’insulte.

— Mais je ne veux pas que, pour moi, vous soyez sous le coup de pareilles aventures. Jurez-moi de partir demain pour Paris.

— Vous m’estimeriez après une pareille lâcheté ?

— Il n’y a pas de lâcheté à se préserver de la ren-