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Page:Sand - Mademoiselle Merquem.djvu/174

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contre des êtres nuisibles quand notre vie est nécessaire à des êtres chers et précieux. Que dira votre tante en vous voyant rentrer blessé ? Elle me maudira, si elle apprend que j’en suis la cause. Voyons, jurez-moi de partir demain.

— Pourquoi demain ? Ce n’est pas avant un mois que ce malheureux sera en état de nuire. Je lui ai fait plus de mal qu’il ne m’en a fait. Ah ! ne m’égorgez pas, vous, au moment où je nage dans l’éther… Ne me dites pas de m’éloigner de vous le jour où vous m’adoptez pour frère, ami et filleul ! J’en deviendrais fou.

— Mais,… reprit-elle avec hésitation, ce n’est pas de l’amour que vous avez pour moi ?

— C’est ce que vous voudrez, c’est de l’amitié, si vous l’acceptez sans effroi ; mais c’est ma vie, entendez-vous, toute, ma vie ! Dites-moi de me jeter au bas de cette falaise plutôt que de me dire que vous seriez offensée de mon amour. Je m’étais juré de ne pas prononcer ce mot-là, c’est vous qui me l’arrachez par vos questions. Faut-il que je mente ? Je ne peux pas, je ne sais pas. Demain peut-être, j’essayerai ; mais, ce soir, je suis attendri et faible comme un enfant, en même temps que je suis exalté comme un homme pris de fièvre. Ayez pitié de moi, ne me dites plus rien. Laissez-moi sur cette soirée de bonheur !

— Eh bien, séparons-nous, dit-elle. Je n’ai pas le courage de vous répondre, vous voyez !

Elle me laissa baiser sa main et me ramena d’autorité vers nos compagnons. Là, elle me dit devant eux :

— Vous coucherez chez Guillaume, c’est convenu ; vous ne devez pas, avec cette blessure et la fatigue