Page:Sand - Mademoiselle Merquem.djvu/237

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réalise pas sa première illusion, je serai sûre de l’avenir, car je deviendrai parfaite. Ce sera très-facile ; il suffira qu’il le veuille ; n’en doutez pas, tout doit être prodige dans l’amour.

» Quel que soit le dénoûment, un déchirement terrible peut-être, je l’aimerai toujours, moi, et son souvenir restera béni, car c’est lui qui m’a donné la vie, et j’aime la vie passionnément depuis vingt-quatre heures. »

Cette dernière lettre était datée du matin du jour où j’avais reçu le baptême à la Canielle. Ce jour-là, elle m’aimait déjà. Je n’avais pas, comme je l’imaginais, conquis sa première estime sérieuse dans le sauvetage. Depuis la veille, elle s’était dit qu’elle serait à moi ; en m’adoptant pour son filleul, elle m’avait adopté pour son fiancé. Que s’était-il donc passé en elle pour qu’elle conçut l’étrange fantaisie de m’éprouver si cruellement le lendemain du baptême ? Elle avait eu un moment de terreur en entrant dans la suprême crise. Elle avait joué le tout pour le tout et résolu de savoir le mot de sa destinée en frappant sans pitié l’oracle pour lui arracher la vérité. Ou bien, se sentant irrésistiblement entraînée, elle avait voulu à tout prix se retenir sur la pente, faire rouler un rocher entre nous pour me forcer à le gravir et à lui laisser le temps de la réflexion. Elle avait échoué, j’avais franchi l’obstacle en m’y déchirant. Une âme comme la sienne ne pouvait exiger davantage pour se donner.

J’étais enivré de bonheur. Le soir, j’écrivis à ma tante, n’osant écrire à Célie ; mais il n’y avait pas de raison pour qu’elle ne lui montrât pas mes lettres,