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Page:Sand - Mademoiselle Merquem.djvu/267

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— Voilà, me dit-il, un dur caillou dans notre soupe ! Cet homme-là a une araignée dans la sienne. Il ne l’avalera jamais. Il faudra le tuer ou le conduire à Charenton.

— Laissez-moi espérer qu’il se rendra devant beaucoup de patience et de fermeté.

— Mon cher, vous échouerez. Il n’a pas l’intelligence à la hauteur d’une pareille situation, et, par-dessus le marché, si la tête est malade, le corps l’est aussi. Il a la fièvre, et je vais envoyer chercher un médecin. Il ne faudrait pas qu’il lui arrivât malheur ici ; je vois la chose clairement à cette heure. Mademoiselle Merquem s’est créé des devoirs envers lui, il faut qu’elle les remplisse jusqu’au bout. Non-seulement son grand bon cœur l’exige, mais encore l’opinion des gens qui l’entourent. Quant à vous, vous ne pouvez vous passer de la guérison morale de ce monsieur. Il ne mourra pas d’un vrai chagrin, néanmoins, si sa chaudière éclate par le suicide ou par la folie, on trouvera votre bonheur odieux. Il n’y a pas à dire, le monde est comme ça. Il faut se soumettre.

Je courus chercher le médecin, qui entra chez Montroger, examina sa figure et lui tâta le pouls sans qu’il s’en aperçût. Pendant cette consultation, à laquelle assista Stéphen, je fus appelé dehors, et je tressaillis en y trouvant Célio Guillaume, qui me serra la main en silence et me fit une série de signes maçonniques consacrés chez les amis de la Canielle pour exprimer un ordre suprême. Je devais suivre sur-le-champ et sans faire aucune question le frère qui venait me chercher. J’avais eu le loisir d’étudier mon petit vocabulaire. J’obéis, le cœur palpitant, mais la bouche scellée. Célio me conduisit à la plage, où je