Page:Sand - Mademoiselle Merquem.djvu/266

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mérité d’être plus heureux ! Tenez, monsieur de Montroger, je vous plaignais quand même, car l’amour-propre peut donner le change à une conscience peu délicate et lui causer des tourments qui ressemblent à ceux de la passion ; j’étais résolu à respecter autant que possible le secret de votre faiblesse et les défaillances de votre dignité ; mais vous venez d’avouer que la douceur et la bonté vous rendaient plus exigeant et plus âpre ; vous venez de proclamer votre droit à faire souffrir, et, à présent, je vous regarde comme un fou dont je veux bien soigner la folie, si elle est douce, mais à qui je saurai très-bien mettre la camisole de force, s’il devient furieux.

— Enfin, s’écria-t-il en se levant, vous m’insultez et vous me provoquez !

— Ni l’un ni l’autre, répondis-je en haussant les épaules ; je vous juge !

Ce mot le brisa. Il pâlit, balbutia des paroles confuses et perdit connaissance.

Stéphen, qui se tenait à portée de la vue, accourut et m’aida à le ranimer.

— Faites-moi conduire, nous dit il, quelque part où je puisse me reposer. Je tombe de fatigue et je crains une maladie.

Nous étions un peu loin d’Yport. Une barque vint s’offrir à propos. Nous le conduisîmes à l’auberge que j’habitais sans qu’il dit une parole, et je lui cédai mon lit, où il ne tarda pas à s’endormir sans trop savoir où il était.

Je passai dans la chambre voisine, occupée par Stéphen. Il n’était que midi, et cet incident le privait de son travail ; mais il ne voulut pas me quitter, et, après s’être fait rendre compte de l’entrevue :